dimanche 27 mars 2016

Un Pape qui parle pour ceux qui se taisent

 Cet homme est vraiment un chrétien. On peut ne pas le suivre. 
On ne peut pas ne pas l'entendre. Il ne parle pas qu'aux seuls catholiques.

Texte intégral de la prière de supplication du Pape François : 
«Ô Croix du Christ», le 25 mars 2016.

«Ô Croix du Christ, symbole de l’amour divin et de l’injustice humaine, icône du sacrifice suprême par amour et de l’égoïsme extrême par stupidité, instrument de mort et chemin de résurrection, signe de l’obéissance et emblème de la trahison, échafaud de la persécution et étendard de la victoire.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dressée en nos sœurs et nos frères tués, brûlés vifs, égorgés et décapités avec des épées barbares et dans le silence lâche.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les visages des enfants, des femmes et des personnes, épuisés et apeurés qui fuient les guerres et les violences et ne trouvent souvent que la mort et tant de Pilate aux mains lavées.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les docteurs de la lettre et non de l’esprit, de la mort et non de la vie, qui au lieu d’enseigner la miséricorde et la vie, menacent de punition et de mort et condamnent le juste.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les ministres infidèles qui au lieu de se dépouiller de leurs vaines ambitions dépouillent même les innocents de leur dignité.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les cœurs endurcis de ceux qui jugent facilement les autres, cœurs prêts à les condamner même à la lapidation, sans jamais s’apercevoir de leurs propres péchés et de leurs fautes.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les fondamentalismes et dans le terrorisme des adeptes de certaines religions qui profanent le nom de Dieu et l’utilisent pour justifier leurs violences inouïes.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui en ceux qui veulent t’enlever des lieux publics et t’exclure de la vie publique, au nom de quelque paganisme laïc ou même au nom de l’égalité que tu nous as toi-même enseignée.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les puissants et dans les vendeurs d’armes qui alimentent le four des guerres avec le sang innocent des frères.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les traitres qui, pour trente deniers, livrent n’importe qui à la mort.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les voleurs et les corrompus qui au lieu de sauvegarder le bien commun et l’éthique se vendent dans le misérable marché de l’immoralité.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les sots qui construisent des entrepôts pour conserver des trésors qui périssent, laissant Lazare mourir de faim à leurs portes.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les destructeurs de notre “maison commune” qui par leur égoïsme ruinent l’avenir des générations futures.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les personnes âgées abandonnées de leurs proches, dans les personnes avec un handicap et dans les enfants sous-alimentés et écartés par notre société hypocrite et égoïste.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans notre Méditerranée et dans la Mer Égée devenues un cimetière insatiable, image de notre conscience insensible et droguée.


Ô Croix du Christ, image de l’amour sans fin et chemin de la Résurrection, nous te voyons encore  aujourd’hui dans les personnes bonnes et justes qui font le bien sans chercher les applaudissements ou l’admiration des autres.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les ministres fidèles et humbles qui éclairent l’obscurité de notre vie comme des bougies qui se consument gratuitement pour éclairer la vie de ceux qui sont les derniers.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les visages des sœurs et des personnes consacrées – les bons samaritains – qui abandonnent tout pour panser dans le silence évangélique, les blessures de la pauvreté et de l’injustice.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les miséricordieux qui trouvent dans la miséricorde l’expression la plus haute de la justice et de la foi.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les personnes simples qui vivent joyeusement leur foi dans le quotidien et dans l’observance filiale des commandements.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les repentis qui savent, de la profondeur de la misère de leurs péchés, crier : Seigneur, souviens-toi de moi dans ton Royaume !

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les bienheureux et dans les saints qui savent traverser l’obscurité de la nuit de la foi sans perdre la confiance en toi et sans prétendre comprendre ton silence mystérieux.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les familles qui vivent leur vocation au mariage avec fidélité et fécondité.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les bénévoles qui secourent généreusement les personnes dans le besoin et celles qui sont battues.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les persécutés pour leur foi qui dans la souffrance continuent à rendre un témoignage authentique à Jésus et à l’Évangile.

Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les rêveurs qui vivent avec un cœur d’enfant et qui travaillent chaque jour pour rendre le monde un peu meilleur, plus humain et plus juste.

Dans ta sainte Croix, nous voyons Dieu qui aime jusqu’au bout, et nous voyons la haine qui fait la loi et assèche les cœurs et les esprits de ceux qui préfèrent les ténèbres à la lumière.

Ô Croix du Christ, Arche de Noé qui a sauvé l’humanité du déluge du péché, sauve-nous du mal et du malin ! Ô Trône de David et sceau de l’alliance divine et éternelle, réveille-nous des séductions de la vanité ! Ô cri d’amour, suscite en nous le désir de Dieu, du bien et de la lumière.

Ô Croix du Christ, enseigne-nous que l’aube du soleil est plus forte que l’obscurité de la nuit.

Ô Croix du Christ, enseigne-nous que l’apparente victoire du mal se dissipe devant le tombeau vide et face à la certitude de la Résurrection et de l’amour de Dieu que rien ne peut vaincre ou obscurcir ou affaiblir. Amen !»

jeudi 24 mars 2016

Du terrorisme et des terroristes


« Une organisation terroriste est une organisation dont l'objectif ou le moyen d'action principal, revendiqué et assumé comme tel, est le meurtre de civils innocents. »1

« Un État est une communauté humaine qui revendique
le monopole de l’usage légitime de la force physique sur un territoire donné. »2

On ne naît pas terroriste.
On n’est pas terroriste par essence !
On le devient.

Le terrorisme ne se résume pas à l’usage de la violence.
Il se présente comme un droit à tuer. Y compris des civils.
Avec des motivations très diverses, politiques, religieuses ou racistes.

Le terrorisme implique des individus, mais pas seulement.
Les États terroristes existent depuis toujours.
Et le meurtre ou la torture de masse sont pires que les assassinats individuels.

Tout pouvoir assis sur la force est en peu ou prou terroriste.
Chaque État qui dispose du « monopole de la violence légitime » devient terroriste.
De nos jours, la puissance et la sophistication des armes engendrent et augmentent le terrorisme.

On est toujours le terroriste de quelqu’un.
De Gaulle fut déclaré terroriste et déchu de sa nationalité
Yasser Arafat, aux yeux des Israéliens, fut un terroriste.

Ben Gourion fut considéré comme terroriste par la Grande-Bretagne.
Le terrorisme juif a précédé et suivi l’annexion de la Palestine par Israël.
Et depuis 1948, terrorisme et contre-terrorisme n'ont pas cessé de s'opposer.

De même, Nelson Mandela fut-il condamné comme terroriste.
L’ancien président sud-africain, resta même, jusqu’en 2008,
présent sur la liste noire américaine du terrorisme.

Tout combattant qui se dresse contre un État est réputé terroriste.
Les résistants luttant les armes à la main contre les nazis, de 1940 à 1945,
Furent qualifiés de terroristes, jugés et exécutés comme tels.

Les États totalitaires n’ont pas été tous immédiatement qualifiés de terroristes.
Le 3e Reich allemand, l’URSS stalinienne, La Chine de Mao Tse Tung, entre autres,
finirent pourtant par l'être car le meurtre de masse leur fut un outil politique !

Tous les génocides survenus au XXe siècle furent, par nature, terroristes.
La Shoah, l’extermination des Juifs et Tsiganes, ne fut pas le seul génocide nié ou oublié.
Partout, on a voulu, organisé et perpétré l’éradication totale de peuples entiers.

En Turquie, au Cambodge, au Rwanda, au Timor-Oriental, en Australie, au Congo,
à Madagascar, en Ukraine, en Chine, en Australie, aux États-Unis dès le XIXe siècle...,
Les armées officielles ont beaucoup plus assassiné « légalement » que les bandes de brigands !

Les massacres indonésiens, le génocide arménien de 1915, l’élimination des Aborigènes d’Australie, 
le colonialisme belge ultra violent au Congo, les Malgaches tués en en 1947,
et bien d’autres crimes d’État furent tous décidés pour soumettre des populations par la terreur.

Ce rappel historique ne minimise en rien les horribles attentats commis en France et en Belgique 5201.
Sans effectuer de comptabilités morbides, il faut admettre, cependant,
que les guerres proche-orientales ont, depuis 2002 bien davantage tué que tous les terrorismes.

Pour éliminer le terrorisme, il faut en supprimer les causes.
Le salafisme, cette religion dévoyée, n’est pas seul responsable.
Les États d’occident, prédateurs et dominateurs, ont, par leurs excès, motivé aussi les assassins.

Car nous nous interrogeons trop peu sur les raisons qui ont conduit
des Français ou ds Belges, jeunes, à sombrer dans le fanatisme et le crime.
Reconnaissons que nous n’avons pas encore « purgé » notre passé colonial aux effets restés dévastateurs !

Vaine querelle, ainsi, à propos de la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie :
La date du 19 mars rappelle la fin de l’empire colonial français.
Cela suffit à faire ressurgir les rancœurs et les haines chez certains de nos compatriotes.

Ceux qui voulaient l’Algérie française n’ont jamais admis que la France
soit devenue en partie algérienne ou marocaine ou tunisienne…, voire malienne !
Et moins encore musulmane.

Là se trouve, pourtant la clef explicative des erreurs et des folies
de ceux qui, à l’abandon, souvent sans avenir professionnel,
ont cherché en vain un sens à un engagement en Syrie, quitte à se « radicaliser » comme on dit…

Qu’avons-nous fait, pour accueillir, non pour intégrer (cela ne se fait qu’avec le temps),
les enfants et les petits enfants de ceux que nous sommes allés chercher et avons employés, hier ?
Le racisme et le mépris ont laissé trop de traces dans nos mœurs et créé des ghettos.

Le terrorisme n’est pas seulement la conséquence d’un fanatisme.
Ce n’est pas non plus seulement la rage de ceux qui se constatent sans avenir.
C’est aussi l’une des manifestations épouvantables de conflits internationaux sans solution.

Surveillance, renseignement, police et armée ne suffiront jamais à installer la paix.
Il faut donner leur citoyenneté à ceux qui n’en ont pas, plus, ou pas assez.
Bref, il s’agit de rendre aux Français non encore acceptés comme tels, toute leur place.

La France n’y est pas prête.
Elle est atteinte du virus nationaliste et identitariste.
Pourtant, lutter contre le terrorisme commence en France.

Pas en Syrie, en Lybie, au Mali, en Centrafrique, ou ailleurs.
On n’écrasera pas le terrorisme sous des bombes elles-mêmes terroristes.
Finissons en avec la Françafrique politique et économique qui nous fait tant haïr.

1 Selon Nicolas Tavaglione, philosophe, professeur de science politique à l’Université de Genève.
2 Max Weber, Le savant et le politique, 1919, rédité en 2002 chez 10/18

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