jeudi 31 juillet 2014

"Ils ont retué Jaurès"


Ce 31 juillet 2014, qui peut se revendiquer de Jaurès?
Sarkozi avait osé.
Hollande aussi.
La presse en débat mais nous détourne de l'essentiel :
On a tué Jaurès, en 1914, parce qu'il faisait obstacle à la guerre.
On veut le retuer, en 2014, parce qu'il fait encore obstacle à la trahison du socialisme !

Jaurès est encore lisible, compréhensible, influent, convaincant.
Cet homme reste dangereux : il faut détruire sa pensée.
Et s'il avait eu raison de dire que le capitalisme porte en lui la guerre !
Que la domination des privilégiés porte en elle la guerre comme la nuée porte l'orage...
En ce temps de tueries, à Gaza, en Lybie, en Irak, en Ukraine qui arme les tueurs ?
Qui fabrique les machines à détruire les vies, sinon des industriels ?

 "On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels" criait Anatole France.
Jean Jaurès et Anatole France ont eu et ont, hélas, encore raison.
Le capitalisme fait la guerre aux hommes à grand ou à petit feu.
Nul ne peut citer Jaurès en triant dans ses paroles et ses écrits.
Jaurès était autant philosophe que politique.
Sa pensée forme un tout et en son cœur il y a : le plus fragile premier servi.

Ne laissons pas retuer Jaurès.
Il n'appartiendra jamais à ceux qui sont du côté des riches.
Il n'a pas fondé la SFIO pour que ce parti se couche devant la Bourse.
La section française de l'Internationale socialiste ne pouvait être nationaliste.
Elle était en quête d'un monde de partage et de paix.
Tous les traîtres à cette SFIO-là, de Mollet à Vals, ont tué et retué le socialisme.

Il faut, pensent-ils, que Jaurès soit éliminé parce qu'il n'est pas tout à fait mort.
Ses idées bougent encore.
On l'avait "panthéonisé", en 1924, pour le faire définitivement taire.
Puisque l'acquittement de son assassin en 1919 n'avait pas suffi !
Sa passion pour la paix reste trop contagieuse. Il faut l'anéantir.
Son choix des plus modestes reste insupportable aux nantis. Il faut le ridiculiser.

En 2014 nous voici au carrefour de l'histoire : y a-t-il un avenir pour le socialisme ?
Pas le parti socialiste actuel, aussi infidèle à ses origines que l'est l'Église à Jésus Christ.
Non, il s'agit du socialisme qu'a pensé Jaurès, pour lequel il a vécu, pour lequel il est mort.
Il s'agit du socialisme qui est la Révolution en actes : l'abolition des privilèges.
Il s'agit du socialisme qui s'opposera toujours aux meurtres d'enfants : à Gaza ou ailleurs.
Le socialisme dévitalisé, soviétisé, caricaturé, félon, n'est plus, mais...

...quel que soit le futur nom que lui donneront les partageux, le socialisme de Jaurès vivra.
 


mardi 29 juillet 2014

La guerre sans fin

Quand une une guerre n'a plus de finalité, ou bien elle prend fin ou bien elle devient sans fin.

La guerre que mène l'État d'Israël contre ceux qui, selon lui, attentent à son existence, est une guerre sans fin.

Depuis 1948, la guerre entre Israéliens et Palestiniens est sans fin.

À l'origine, la fin du combat mené par les Juifs venus en Palestine était de conquérir un territoire pour y construire leur État. Les Palestiniens s'y opposèrent en vain.

Aujourd'hui, la fin du combat mené par les Juifs définitivement installés en Palestine est d'empêcher les Palestiniens de disposer d'un État qui pourrait menacer leur pérennité.

Les Juifs des années 1950 n'étaient pas majoritairement sous l'emprise de religieux et de nationalistes belliqueux. Ils bâtissaient Israël. Ils devenaient des Israéliens.

Les Israéliens du XXe siècle n'avaient pas pour fin de rassembler tous les Juifs de la Terre en Israël. Ils n'avaient pas pour fin d'empêcher les Arabes d'exister, y compris au sein du territoire devenu israélien. Ils pouvaient être désapprouvés mais pouvaient gagner l'estime des autres peuples.

En 2014, les citoyens d'Israël sont en passe de perdre l'estime de leurs frères en humanité. L'État d'Israël a, désormais, la force pour politique, uniquement la force, une force militaire avec laquelle il brave le monde entier qui ne peut ni ne veut l'affronter pour faire changer ses finalités.

Israël s'est résigné au conflit perpétuel. Il pense ne plus pouvoir modifier un environnement hostile. Il renonce à accepter l'existence d'un État palestinien qui pourrait constituer une menace fatale à moyen ou long terme.

Pour quoi la guerre, pourquoi la guerre, alors ? Pour annihiler toute velléité de voir un jour un État arabe autonome aux portes de Jérusalem ? La fin de la guerre permanente faite, quelle qu'en soit la forme, aux nationalistes arabes, conduirait, croit-on à Tel-Aviv, à la fin même d'Israël.

Quand il devient nécessaire, aux yeux des responsables politiques d'un État d'encercler, d'isoler, de contrôler, d'emprisonner en fait, un million de personnes estiméees hostiles a priori, et trop proches géographiquement pour pouvoir rester libres, alors on sombre dans l'absurde, l'hystérie et, finalement la violence totale. C'est ce qui se passe à Gaza.
 


Nul ne voit, en ce jour, comment sortir de cet engrenage de la violence guerrière. La résistance palestinienne ne fait qu'entretenir la preuve de l'existence d'une volonté politique opposée à celle d'Israël. Elle ne peut rien modifier à un rapport de forces déséquilibré. Quant à Israël, il s'est enfermé dans sa propre logique : seules nos armes nous protègent, quoi qu'on en pense à l'ONU et dans les pays où se multiplient les manifestations de désapprobation.

Qui osera dire que la paix n'est pas la non-guerre et que, tôt ou tard, on se lassera de tuer ?

Qui, quelle autorité religieuse va parler assez haut pour se faire entendre et dire qu'aucune religion ne peut motiver le recours à la violence sous peine d'entrer en contradiction avec elle-même et de mettre fin à toute possibilité de fraternité entre les hommes ?

Qui, quelle autorité politique va pouvoir peser sur les décisions de ceux qui ne croient qu'en eux-mêmes et saura opposer des fins crédibles à celles, insensées, dangereusement désespérées, des fauteurs de guerre ?

Qui, enfin, ne voit que la torche enflammée qui brûle au Moyen-orient peut mettre le feu à une large part de la planète ?

Il n'est aucune fin qui justifie que les premières victimes soient des enfants et qu'on écrase des familles désarmées sous les décombres de leurs maisons.


victime combat israel palestine mort


Il faut mettre fin à cette guerre parce qu'il n'y a plus de fins à cette guerre. Israël y perd son honneur et sa crédibilité politique ; la Palestine, en son entier, vit dans l'horreur et voit régresser son droit à l'existence politique.

Puisque, hélas, les citoyens du monde semblent, actuellement impuissants, usons, au moins, ce jour-ci, de la seule arme non-violente à notre disposition, constituée par les mots de la raison pour convaincre que l'intérêt des peuples concernés n'est pas dans le sang et les larmes mais dans la négociation et le respect de l'existence de chacun. Il n'est d'autre voie ouverte que celle de cette utopie.






dimanche 27 juillet 2014

L'impardonnable est accompli.

Le massacre des civils de Gaza est impardonnable et ne sera pas pardonné.
S'en prendre sciemment aux populations civiles ne trouvera aucune justification.
Car ceux qui succombent sont innocents et tous les peuples de la terre le savent.

Trop c'est trop.
Les faits parlent.
Le crime est accompli.

L'écrasement du quartier de Chajaya aura condamné Israël.
S'il existait un bouclier humain, ce qui n'est pas démontré, il était fait de chair et de sang.
Ce n'était pas un objectif militaire à détruire.

Les tunnels creusés sous la frontière avec Israël et l'Égypte sont des artères de vie.
On n'y passe pas que des armes.
Ils sont la conséquence du blocus qui isole Gaza du reste du monde.

Les Palestiniens de Gaza enfermés, acculés, cernés vivaient dans une prison.
S'y entassent dans petit territoire, l'un des plus peuplés qui soient, un million d'habitants.
Les voila devenus les cibles nues de l'une des plus puissantes armées du monde.

Car le Hamas n'a, en comparaison, qu'une force dérisoire à opposer à Tsahal.
Sa résistance est plus symbolique que réelle, plus politique que matérielle.
Il a d'autant plus le soutien des Gazaouis qu'Israël n'y voit que des terroristes à exterminer.

Où est le terrorisme ?
Toute politique fondée sur la terreur est terroriste.
Et le terrorisme d'État est pire que tout autre.

Toute population qui résiste par les armes au pouvoir d'État est dite terroriste.
Les résistants français au nazisme anti-juif furent ainsi taxés de terrorisme.
Vouloir terroriser le terrorisme finit toujours par échouer.

La violence ne régresse que par la négociation politique.
Ne vouloir ni deux États, ni levée du blocus génère un conflit perpétuel.
Israël qui ne veut, en réalité, ni l'un ni l'autre se met lui-même au ban des nations.

Les nationalistes extrémistes ne rentreront jamais dans une logique de concessions.
Trois quarts de siècle sans paix au moyen-orient ont nourri des haines inexpiables.
Imposer sa loi par la force, face au monde entier, menace tout ordre international.

Avec le temps les dominateurs finissent toujours par fléchir, faiblir et succomber.
Les dirigeants d'Israël sont trop avisés pour l'ignorer.
Leur choix faussement sécuritaire, désespéré, mine le peuple juif tout entier.

Car le gouvernement israélien salit et déshonore Israël.
Il renie, de fait, l'histoire du peuple juif.
Il trahit l'immense apport inoubliable de Juifs au monde des humains.

L'approbation de ces crimes d'État par une majorité de d'Israéliens ajoute à l'horreur.
Le soutien de fait de cette guerre disproportionnée par les pays occidentaux lève le cœur.
L'interdiction, en France, de manifestation de soutien aux habitants de Gaza est inique.

N'est pas antisémite qui refuse cette malédiction !
On peut, au contraire, affirmer que les amis des Juifs ne sont pas nombreux à la Knesset.
Ils sont là où la guerre est bannie parce qu'incapable d'assurer l'avenir entre deux peuples.






dimanche 20 juillet 2014

Le moustique et le marteau

On n'écrase pas un moustique avec un marteau. C'est pourtant ce que tente Israël face au Hamas ! La disproportion des moyens utilisés pour se défendre (à chacun de juger qui est en situation de défense) constitue un scandale international qui n'émeut guère les États...

Le gouvernement d'Israël, qui peut compter sur le veto US à l'ONU, peut tout s'autoriser et s'en prendre à une population palestinienne enclavée, enfermée, encerclée, qui subit cent fois plus de pertes civiles que la population voisine israélienne.

Il est temps que le peuple juif qui a tant apporté de philosophes, de savants, de créateurs et qui a tant souffert du racisme et de la haine, se réveille et parle haut ! Les intérêts des Juifs et de l'État d'Israël divergent. Ils sont devenus contradictoires.

La politique israélienne suscite la haine et le dégoût. Elle entretient l'antisémitisme. Elle n'est que la domination du plus fort. À ce jeu mortel, les dirigeants d'Israël mettent eux-mêmes le peuple juif en péril. La violence, en ce siècle, ne peut plus, seule, permettre l'installation pérenne d'une population.

Qui aurait pu penser, aux lendemains de la seconde guerre mondiale, que le peuple victime du nazisme, dont l'histoire fait partie de l'histoire de l'humanité tout entière, de Jésus à Marx, de Dreyfus à Einstein, de Freud à Hannah Arendt..., allait donner naissance à des bourreaux ? Car la puissance militaire d'Israël est telle que chacune de ses manifestations à l'encontre des Palestiniens est une véritable exécution, impitoyable, ou les civils souffrent bien plus que les combattants du Hamas.

Les Palestiniens doivent savoir, et ils le savent, qu'ils ne peuvent l'emporter sur Israël. À la violence qu'ils exercent pour tenter d'exister, il sera répondu par une violence pire, incommensurablement pire. Il leur faut gagner par la politique et la diplomatie le droit à l'existence qui leur est nié. Les mille piqûres de moustiques, insupportables aux Israéliens, ne peuvent rien contre les coups de marteau qui sont assénés et qui défoncent les habitations palestiniennes tuant plus d'enfants, de femmes et de vieillards que d'hommes adultes, point tous militants du Hamas d'ailleurs !

Les Israéliens doivent savoir, et ils le savent, qu'ils ne peuvent l'emporter sur les Palestiniens. La haine de l'Arabe face à la haine du Juif ne peut qu'entretenir la guerre perpétuelle. Le triomphe des racismes engendre le désir de tuer. Nous ne pouvons rester spectateurs de cette partie du monde, le Moyen-Orient, où "la raison du plus fort est toujours la meilleure". Il y va non seulement des peuples palestinien et juif, il y va du sort de notre civilisation : la vie n'est pas un rapport de forces, une jungle où le plus puissant peut, impunément, s'approprier un territoire !

Quand je ne sais qui soutenir, j'appuie qui souffre le plus. C'est, le plus souvent, ainsi, qu'on évite la plus lourde erreur. Aujourd'hui, il ne suffira pas aux Israéliens de détruire des tunnels et de violenter des civils, à Gaza, pour connaître la paix. Aux yeux du monde entier, ils ont tort, y compris quand ils sont soutenus, directement ou indirectement, par plusieurs États, dont les USA ou, à présent,... la France !  

Désapprouvons clairement le gouvernement d'Israël dont l'action déconsidère le peuple juif.


samedi 19 juillet 2014

Après deux siècles de guerres...

 
...quelle alternative pour sortir d’un cauchemar historique ?



 
1814-1914, 1914-2014 : deux siècles au cours desquels l’Europe a connu les plus violentes guerres jamais connues par l’humanité.

Trois dates repères :
1814 : Napoléon abdique une première fois, le 6 avril, à Fontainebleau, après plus d’une décennie de guerres très meurtrières.
1914 : une guerre industrielle, pour la première fois qualifiée de mondiale, s’engage et va laisser des millions de morts sur les champs de bataille.
2014 : le 6 juin, en Normandie, est commémoré le débarquement gigantesque de 1944, qui a conduit vers la fin du régime nazi en Europe.

Avons-nous tiré tous les enseignements de ce cycle historique de conflits au cours desquels on a saigné les peuples, puis entraîné les survivants dans l’illusion de la victoire ?

La réponse est non!

L’aventurier Bonaparte, qui mit fin à la Révolution française tout en prétendant porter ses valeurs universelles à la pointe des baïonnettes, dans toute l’Europe et au-delà, reste encore un héros national ! Il fallut, une coalition de monarchies européennes pour, à Waterloo, mettre une fin définitive au pouvoir de ce génie malfaisant qui avait emporté la France loin de la République, puis l’avait plongée dans des échecs et des souffrances horribles. Peu d’historiens et d’analystes politiques1 ont osé décrire comme une catastrophe aux prolongements désastreux2 l’action d’un dictateur, non encore reconnu comme tel, en 2014, dans notre pays !

Un siècle exactement après la première abdication de « l’Empereur des Français », et en dépit de l’avertissement poignant de Jean Jaurès3, s’ouvrait un conflit de quatre ans, une boucherie infernale dont l’horreur ne calma pas l’exaltation et ne réduisit pas les erreurs de la hiérarchie militaire et des dirigeants politiques d’alors. Après avoir conduit plus d’un million de leurs concitoyens à la mort (et quelle mort !), les autorités civiles et militaires françaises qui se proclamaient vainqueurs, allaient, par le traité de Versailles de 19194, imposer à l’Allemagne défaite des conditions économiques et territoriales les plus humiliantes. Ainsi allaient se trouver dispersées les graines de la revanche, préparé le terrain politique facilitant l’installation du national-socialisme et, finalement, vingt ans plus tard, rassemblées toutes les conditions de la guerre « mondiale » suivante, plus meurtrière encore pour tous les peuples qui y seraient engagés.

En 2014, nous constatons que nous étions restés enfermés dans la logique des fausses victoires. Se réjouir de la fin d’une guerre ne saurait être confondu avec la joie d’avoir terrassé l’adversaire. Sans réconciliation, la guerre reprend inévitablement. L’impérialisme, le nationalisme, le fascisme, le totalitarisme5 n’ont pas éclairé nos jugements. Avant même les XIXe et XXe siècles s’étaient déjà installés l’esclavagisme6 et le colonialisme dont beaucoup d’entre nous n’ont pas voulu et ne veulent toujours pas admettre, sans détour, tous les crimes innommables.7

L’exploitation industrielle et mercantile des armes de guerre, qui s’était développée pendant les deux siècles écoulés, a perduré et même s’est largement amplifiée. Aussi, quand la deuxième guerre mondiale s’est achevée avec les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki, Albert Camus a-t-il pu s’exclamer, dans l’incompréhension générale, que « la civilisation mécanique venait de parvenir à son dernier degré de sauvagerie »8.

En deux siècles, cette « civilisation » dont s’est réclamé l’Occident, se sera donné les moyens politiques et techniques de conduire des millions d’êtres humains à des morts atroces, considérées non seulement comme inévitables mais comme nécessaires ! Aujourd’hui, aveugles ou résignés, nous essayons d’oublier que nous continuons de vivre sous la menace d’exterminations massives, en particulier celles qui ont été rendues possibles par la captation, la maîtrise, l’emploi militaire de l’énergie nucléaire.

Ne pas vouloir sortir de cet engrenage fatal qui place des peuples entiers sous l’épée de Damoclès géante que peuvent abattre des maladroits, des fous, des cyniques ou des pervers, est, à l’évidence, la plus lourde de toutes les fautes que commettent les dirigeants politiques contemporains, mais aussi tous les citoyens qui les approuvent !

L’arme nucléaire est devenue le symbole même de cette folie tolérée qui nous donne à croire et nous fait rabâcher qu’il faut, « préparer la guerre si l’on veut la paix ». Utilisée une première et unique fois, par les forces américaines, pour réduire totalement la résistance japonaise, l’arme atomique, a été, par la suite, multipliée, accumulée, « modernisée », et elle remplit encore les arsenaux des « grandes puissances 9». Elle contient, en germe et en réserve, les possibilités de pousser à l’extrême les meurtres de masse, de façon infiniment plus brutale qu’à Waterloo, à Verdun ou à Dresdes ! Si le génocide est, au sens strict, le droit, que s’accorde indûment un État, d’éliminer une population entière, civils et militaires confondus, pour des raisons politiques, racistes ou de prétendue défense, alors il faut admettre que la simple détention de l’arme nucléaire est révélatrice d’une capacité génocidaire.

Quiconque accepte ne fut-ce que l’idée de l’éventualité de l’usage des armes de destruction massives, atomiques, bactériologiques ou chimiques, est un criminel qui ruine le droit international. Affirmer que, durant la « Guerre froide », l’équilibre de la terreur10 réduisait la probabilité d’une guerre atomique, ne supprime pas, de nos jours, le risque de génocide puisque la doctrine de la dissuasion ne peut l’exclure : si l’ultime menace dissuade, c'est parce qu’elle ne peut s’exercer, car rien n'est pire ! Nous restons prisonniers de cette aporie. 

Le terrorisme des États dotés de l’arme nucléaire devient, dès lors, l'une des formes possibles de leur action tout aussi condamnable que le terrorisme de bandes armées fanatisées. On ne terrorise pas les terroristes avec des bombes atomiques. Penser la défense des peuples en exposant agresseurs et agressés à une même extermination constitue une faute suprême contre l’esprit ! C’est, aurions-nous dit, quand dominait la pensée chrétienne, le péché mortel par excellence.

Il est temps de reconnaître, en 2014, que la volonté de pouvoir, la volonté de puissance auront tout justifié et continuent de tout justifier ! Les meilleures causes elles-mêmes auront été invoquées pour autoriser les conquêtes, les invasions, les oppressions, les tyrannies. Il revient aux hommes de notre temps d’établir le lien entre les massacres de masse des guerres passées, « mécaniques » disait Camus, avec, aujourd’hui comme hier, tous ces armements industriels surpuissants qui deviennent, de jour en jour, plus technologiques, redoutables et « efficaces ». Bientôt, ils seront à la portée de tous ceux qui disposeront des connaissances scientifiques et des fonds nécessaires à leur acquisition. Inutile, dans ces conditions, de dénoncer les terroristes puisqu’on leur offre et l’exemple exécrable de la production de machines à tuer sophistiquées et la possibilité d’accéder à des munitions toujours plus meurtrières.

Ou bien nous tournerons la page de la contre civilisation qu’est devenue la nôtre, qui a ruiné tant d’espérances humaines, au cours des deux siècles écoulés, ou bien, disposant, aujourd’hui, des outils et moyens de nous détruire, (lesquels surpassent ceux dont on a vu les effets dévastateurs durant les guerres précédentes), c’en sera fait, alors, de l’humanité tout entière. La Terre peut s’embraser partout au cours de ce nouveau siècle, que ce soit d’un seul coup, dans un nouveau conflit généralisé, ou en passant d’une région terrestre à une autre, partout où sourdent des conflits inexpiables et permanents, (Moyen et Proche-Orient, Afrique centrale et subsaharienne, Chine et Japon, Inde et Pakistan, Russie et marges de l’Europe, etc…).

Les politiques fondées essentiellement sur des rapports de force mènent toutes à l’amplification de l’exercice de cette force. Les armes nouvelles finissent toujours par être employées. Les plus récentes, dont la puissance n’est plus imaginable, ni maîtrisée, sont ou seront employées. Ou bien nous considérons comme inéluctable et faisant partie de la condition humaine cette domination aveugle de la violence, en tous lieux et en tous temps, (mais cessons alors de penser que la civilisation a un sens, acceptons la loi de la jungle, renonçons loyalement aux Droits de l’homme partout affirmés et nulle part mis en œuvre), ou bien alors, osons changer de paradigme, de logiciel philosophique, d’organisation politique, de pratiques économiques et de mode de vie quotidienne.

S'il s'agit de l'utopie des utopies, elle n'est pas plus irréaliste que de continuer à « progresser » dans l’impasse mortelle où nous voici engagés. Le conditionnement des esprits a pris, lui aussi, un caractère mécanique et tout se passe comme s’il était impossible d’échapper à la fatalité de la mondialisation du meurtre ! L’histoire des humains ne serait-elle donc qu’une tragédie sans échappatoire !

Cependant, un choix radical, et imprévisible voici quelques années encore, se présente à nous … Soit -dans notre inhumanité assumée- nous tolérerons un monde où l’on continuera de se faire la guerre, fut-ce de loin, sans risques pour qui tue, à l’abri de son bunker, au moyen de drones, parce qu’un monde sans guerre n’a jamais existé et ne peut exister, et nous survivrons quelque temps encore, privé d’espoir. Soit, au contraire, - dans une quête de civilisation réassumée -, nous rechercherons un monde qui soit désarmé progressivement et où se répartissent équitablement les biens et richesses que nous avons en partage. Ne faut-il pas redonner sens et réalité à cette égalité, devenue suspecte, et qui a été arrachée de notre devise républicaine ?

Entre l’échec fatal et l’utopie incertaine, il reste à choisir le moindre risque, à trouver des raisons de vivre ? Entre le cauchemar et le rêve mieux vaut encore tenter le rêve. 
 
 
1 Lionel Jospin s’y est efforcé, mais il n’a pas su ou pu affronter le discrédit qu’engendrerait la dénonciation complète de ce général aux visées impérialistes, qui, de coup d’État en coups de forces internationaux, a cherché à mettre à genoux l’Europe tout entière. Lionel Jospin, Le mal napoléonien, Paris, Le Seuil, 2014.
2 Le mythe impérial, incarné par le propre neveu de Napoléon Ier, (« Napoléon le petit » selon Victor Hugo), abolit la seconde République, et s’acheva par le désastre de Sedan qui, avec la perte de l’Alsace et de la Lorraine, contribua à nourrir la haine de l’Allemagne et à motiver les appels à une guerre de récupération plus de quarante ans après. Napoléon III (1808–1873), qui régna plus longtemps que son oncle, fut le dernier monarque français.
3 Jean Jaurès, pour avoir prédit, annoncé et dénoncé la guerre, fut assassiné le 31 juillet 1914, trois jours avant l’entrée en conflit, par le nationaliste Raoul Villain, lequel fut acquitté en 1919 ! Ce fut là l’un des signes évidents du triomphe du pseudo patriotisme d’après-guerre, en fait du nationalisme hégémonique français.
4 Le traité de Vienne, au terme du Congrès de Vienne de 1814-1815, n’avait pas humilié la France ramenée à ses frontières de 1790. Il permettra le maintien d’une paix précaire pendant plusieurs décennies.
5 Hannah Arendt a analysé les causes des totalitarismes hitlérien ou stalinien. Elle n’a que partiellement été entendue, comprise et approuvée.
6 En 1802, Napoléon réinstalla, de fait, l’esclavage aboli par la Révolution française, notamment à Saint Domingue ( Haïti), et son corps expéditionnaire y connut une défaite cinglante avant la création de la toute première République noire en 1804. Plus de 100 000 hommes perdirent la vie, dans des violences inouïes, au cours de toutes les expéditions, dans l’ensemble des Antilles et en Guyane !
7 Si le terme « colonialisme » apparaît dans les années 1902-1903, bien avant, à la conférence de Berlin, en 1884, les empires coloniaux d’occident avaient reconnu l’occupation des territoires déjà effectuée et entériné le partage de l’Afrique.
8 Albert Camus, éditorial du journal Combat, le 8 août 1945, entre les deux bombardements des 6 et 9 août.
9 Le concept de puissance, a fortiori de grande puissance, implique que certains pays, sur notre territoire planétaire, disposent des outils économiques, militaires et diplomatiques de la domination. Parmi les neufs États dotés de l’arme atomique, la France et la Grande-Bretagne notamment, seuls États européens, s’accrochent au mythe de cette grande puissance qu’elles furent et dont elles s’éloignent peu à peu.
10 L’argument, du reste, ne tient plus, car depuis la chute de l’Union soviétique, il n’y a plus d’« équilibre de la terreur ».

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