dimanche 20 février 2011

N'est-il qu'un seul communisme ?

À quel communisme se vouer ?, demande Laurent Joffrin, dans sa présentation du récent livre d'André Senik : Marx les juifs et les droits de l'homme, page XVI du MAG LIRE de Libération, le 19 février dernier.

Aucun, à l'en croire ! Ni celui d'Alain Badiou, auteur de L'hypothèse communiste, ni celui de Slavoj Žižek auteur (avec Badiou encore) de L'idée communiste... Selon Joffrin, Marx a définitivement démontré, dans ses premiers textes, dès 1843, que les droits de l'homme issus de la révolution française, sont faussement libérateurs. Autrement dit, il n'est de communisme que tyrannique pour l'individu, abolissant la propriété privée et la vie privée.


Un interdit historique ?

Joffrin montre là le bout de son oreille libérale ! Sa démonstration est fragile ! Peut-on parler du communisme, en 2011 en s'en tenant à ce qu'en disait Marx en 1843 ? Le communisme soviétique fut-il le seul communisme pensable et possible ? La propriété privée est-elle la meilleure protection de la vie privée ? Les promoteurs d'un communisme sans parti tombent-ils sous la critique des anticommunistes ? Les plus ardents adversaires du communisme à la mode PCF-modèle 1950 ne sont-ils pas ceux qui enragent qu'on ait appelé communisme ce qui n'était que collectivisme imposé par la dictature du Parti plus encore que du prolétariat ?

Bien des questions donc ! Mais là où la coupe déborde, c'est quand Joffrin tente la démonstration suivante : Marx critiquait les Droits de l'Homme, or Marx est le créateur du communisme, donc le communisme est contre les Drtoits de l'Homme !

À quoi l'on peut objecter que ce syllogisme est fondé sur des approximations.

Marx disait que les droits de l'Homme (tels que définis en 1789) étaient illusoires. L'histoire ne l'a pas démenti et les États-nations, champions des Droits de l'Homme, ont écrasé les Droits de l'Homme (la France, la Grande-Bretagne, voire la Belgique notamment, avec, au XIXe siècle, une politique coloniale meurtrière, ô combien !). Le totalitarisme des Soviets ou des Nazis ne sont pas les seuls qui aient nié le droit de chacun à maîtriser sa vie !

Il reste des livres noirs à écrire !

Marx a fait l'apologie de la Terreur robespierriste écrit Joffrin. Même approximation : est-ce que cette justification de la Terreur conduit, inévitablement, à la reconnaissance par tous les communistes de la nécessité de la Terreur ? Il fut, entre parenthèses, après 1793, des terreurs d'État infiniment plus meurtrières que la Terreur révolutionnaire ! Ce n'est pas là qu'il faut rechercher l'erreur du communisme.

Marx, petit-fils de rabbin, a écrit Sur la question juive (1) où il analyse et critique le judaïsme. André Senik, dans Marx, les Juifs et les Droits de l'homme (2) critique "le prophète philosophe" qui, en proposant le plus à tous, aurait justifié l'écrasement des libertés individuelles ! Ce n'est pas l'avis d'Enzo Traverso pour qui Marx voulait une "émancipation humaine universelle", dépassant inévitablement les frontières du judaïsme. En fait depuis des décennies, on se déchire pour savoir si Marx était antisémite ou inspiré par le judaïsme pour fonder la pensée marxiste.

Ce que je considère, in fine, comme le plus nuisible dans le propos de Laurent Joffrin, c'est qu'il accrédite l'idée que tout communisme ne peut qu'être un totalitarisme. Si, encore, pour soutenir cela, il rappelait que tous les ...ismes sont pervers, je le suivrais volontiers ! La sacralisation d'une valeur tue cette valeur, mais c'est vrai aussi du socialisme, du libéralisme, de l'islamisme, du judaïsme ou du christianisme ! La mise en système, au moyen de ce suffixe isme, survalorise un apport et détruit tous les autres, à terme. Le communisme, en son sens banal de partage de tout entre tous, existait avant Marx et peut exister après lui ! Les premiers chrétiens communiaient dans le partage ! La mondialisation conduit à un inévitable en-commun, une communauté humaine, une communion économique, sans quoi c'en sera fait et de la paix et de l'espèce humaine elle-même, sans doute.


Le poisson des premiers Chrétiens : symbole du partage total.

Moi qui combats le communisme de parti, qui s'oppose à l'idéologisation systématique, je ne puis comprendre ni admettre que soit bradé tout ce que contient l'idée communiste, au prétexte que l'échec du communisme, effondré sur lui-même, après des décennies de massacres, doit être considéré comme définitif et positif. Je ne suis pas un "stalinien branché" appartenant à cette "phalange de philosophes", tentant de "redresser une sanglante bannière" (sic). On voisine, ici, la haine et l'idéologisme de bien des laudateurs du Livre noir du communisme (3), ce maître ouvrage controversé, qui nous a ouvert les yeux, mais qui a vu ses auteurs se diviser sur l'interprétation généralisante des faits historiques.

Je suis un communiste anticommuniste, c'est-à-dire un "partageux", non-marxiste, qui sait ce que l'on doit à la pensée de Marx et qui ne rejette pas, hors de l'histoire, la possibilité de voir les hommes organiser leur en-commun, sur une planète qui n'appartient à personne et où il nous faut bien vivre tous ensemble !

Un siècle d\
Une partageuse : Louise Michel

(1) Karl Marx, Sur la question juive, édité en 1843, réédité en 1868 par les éditions 10/18, puis , en 2006, par les éditions La Fabrique, avec une présentation de Daniel Bensaïd.
(2) André Senik, Marx, les Juifs et les Droits de l'homme, éditions Denoël, sorti le 17-02-2011.
(3) Stéphane Courtois, Nicolas Werth et autres..., Le Livre noir du communisme (3), Laffont, 1997.




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