mardi 5 août 2008

Pour en finir avec l'antisémitisme!


Siné serait antisémite. Soljenitsyne l'était, paraît-il... C'est le débat du mois : qui est antisémite?

Un débat, très tendu, s'est donc ouvert entre ceux qui voient dans la critique politique des Israéliens et la critique de la judéité un lien évident, et ceux qui estiment, au contraire, que la libre critique d'Israël ne saurait être associée à l'antijudaïsme.

Car il y a, visiblement, antisémitisme et antisémitisme!

"L'antisémitisme (originellement écrit anti-sémitisme) est le nom donné à la discrimination, l'hostilité ou les préjugés à l'encontre des Juifs", propose Wikipedia.

Wikipedia tente de distinguer racisme et hétérophobie (qui désignerait le refus agressif d’autrui dont le racisme ne ne serait qu’un cas particulier) et la définit comme : «Le refus d’autrui au nom de n’importe quelle différence». Dans Ce que je crois, (éd. Fasquelle, Paris, 1985), Albert Memmi, écrivain franco-tunisien de culture juive, définit, au contraire, le racisme comme une hétérophobie. Je le suis, sur ce plan.

On parle constamment de racisme et d'antisémitisme. J'ai toujours pensé que, ce disant, on commettait une erreur! L'antisémitisme fait partie du racisme; c'est l'un des racismes; il n'est pas un racisme à part. Évidemment chaque racisme est particulier, a une histoire, mais le vocable couvrant (racisme) rassemble tous les racismes sans exception. Depuis que les idéologies de la race ont volé en éclat par impossibilité scientifique de définir une race, le racisme n'a plus qu'un contenu essentiellement culturel : c'est bien un rejet d'autrui faussement justifié par des considérations multiples. Et l'antisémitisme est, quelles qu'en soient les raisons, la haine du juif et j'admets que l'une de ces raisons soit produite par la politique.

Selon la CICAD (Coordination Intercommunautaire Contre l'Antisémitisme et la Diffamation), «le terme "antisémitisme" a été inventé, dans un pamphlet publié en 1879, par le journaliste allemand Wilhelm Marr, fondateur de la Ligue antisémite, consacrant ainsi l'entrée du terme antisémitisme (Antisemitismus) dans le vocabulaire politique.
Source : http://www.cicad.org/

Toujours selon la CICAD, que cite l'Encyclopédie de l'Agora, le terme "antisémitisme"a toujours été appliqué aux Juifs, pour caractériser la haine à leur égard. Il n’a jamais qualifié l’hostilité à l’égard d’un autre peuple, et équivaut donc à "judéophobie" ou "haine des Juifs".
Source : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Antisemitisme.

Produite directement par les idéologies nationalistes et racistes en pleine expansion à la fin du XIXe siècle, cette expression nouvelle de la haine contre les juifs n'est cependant pas sans liens avec ce que Hannah Arendt désigne, dans la Préface de Sur l'antisémitisme, par « haine religieuse du Juif » (religious Jew-hatred) qu'on appelle aujourd'hui « antijudaisme », hostilité repérable dès l'Antiquité, qui va se prolonger et s'amplifier, au Moyen Âge, dans l'Occident chrétien, et finalement perdurer jusqu'au XXe siècle.
Voir : Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, Sur l'antisémitisme (vol. 1) Seuil, 2005.
http://www.evene.fr/livres/livre/hannah-arendt-les-origines-du-totalitarisme-sur-l-antisemitisme-9194.php

La confusion entre antijuif, antisémite, antisioniste et antiisraélien ne sera pas levée de si tôt! Les repères de bon sens ne peuvent, hélas, suffire à surmonter les hostilités! J'appelle repères de bon sens toutes les nuances que les mots induisent : un Juif est un homme de confession religieuse; on peut ne pas partager cette foi mais rien n'autorise à rejeter un homme à cause de sa conception du monde, sa foi, son appartenance à une communauté. Un Sémite est un homme "né de Sem, fils de Noé", selon la Bible, un habitant de la terre d'Asie occidentale;
il parle l'une des langues dites sémitiques (l'hébreu, l'arabe, l'araméen, le babylonien, l'assyrien, et l'amharique). Les Arabes, Juifs, ou Éthiopiens sont donc des Sémites qu'on ne saurait rejeter à cause de cette origine. Un sioniste est un Juif qui a fait le choix politique de lutter pour l'établissement, puis le maintien, d'un État juif en Palestine; on peut combattre cette orientation mais pas au point d'en faire un crime, d'autant qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, la recherche d'une terre de la part de ce peuple discriminé, puis proche de l'anéantissement, n'était pas sans fondements! Enfin un Israélien, juif ou pas, est un citoyen de l'État d'Israël; comment lui dénier cette citoyenneté?

Et pourtant, tout n'est pas dit!

Le Juif, s'il s'accorde des droits historiques du fait du caractère sacré et exclusif qu'il prétend s'être vu accorder par la religion, si ce n'est par Dieu lui-même, ne saurait vivre en paix avec ses voisins! La notion de peuple élu ne contient-elle pas le rejet des non-élus, au premier rang desquels ceux qui vivent sur des territoires convoités! Les colonies de peuplement sont, à cet égard, de véritables moyens de conquêtes, et qui ne vont pas sans usage de la violence! Je récuse donc cette conception religieuse dominatrice, juive ou pas, où qu'elle se manifeste sur la planète, et qui fonde la culture, ou soi-disant telle, sur le particularisme religieux.

Le Sémite qui se refuserait à partager un passé ethnique avec des Sémites qui ont effectué d'autres parcours historiques que le sien, est un ignorant dangereux! Musulmans et Juifs qui ne veulent pas entendre parler de cette origine commune se renient eux-mêmes et se ferment les portes de l'avenir!

Le Sioniste, quand il devient un nationaliste borné, qui ne voit plus que chaque homme a droit à une patrie et ne se soucie que de la sienne, s'enferme dans le cercle de la violence perpétuelle. Il s'installe alors dans un état de guerre qui, décennie après décennie, en dépit de l'incommensurable et hyperviolente injustice subie, sous l'Allemagne nazie,
par le peuple juif, finit par amoindrir aujourd'hui, jusqu'à la légitimité que lui reconnaissent les nations, au sein de l'ONU.

L'Israélien est, comme tout autre citoyen en ce monde, l'approbateur ou le désapprobateur de la politique conduite par son gouvernement. Or, à l'égard des peuples voisins, Palestiniens et Libanais notamment, Israël n'est pas sans reproches et s'appuie, outranciérement, sur la force et sur le soutien diplomatique (ou technico-militaire) des USA. Être, en certaines circonstances, hostile à la politique d'Israël, comme on peut l'être vis à vis d'autres États dont on récuse les grands choix, n'est pas être anti-Israélien! C'est peut-être même opter pour la survie d'Israël qui ne supportera pas, indéfiniment, un déséquilibre démographique qui ne cesse de s'alourdir à son détriment!

Et l'Hébreu? L'Hébreu fait partie de l'un des peuples sémitiques. Il parle une langue qui n'est pas que liturgique et qui nourrit principalement la pensée des Israéliens. Peuple hébreu et langue hébraïque composent le fond culturel des Juifs vivant sur notre planète.

Alors où est l'antisémitisme véritable? Est-il dans le cœur, la pensée et la bouche de ceux pour qui le peuple juif dépasse et de loin, dans l'espace et dans le temps, l'actuel peuple d'Israël? N'est-il pas plutôt dans l'action de ceux qui font exécrer le peuple juif par leurs intransigeances, leur culte de la puissance, et leur agressivité constante à l'encontre de quiconque émet des réserves ou des désapprobations vis à vis de Juifs d'Israël ou d'ailleurs?

Je suis de ceux qui ne supportent pas les relents d'antisémitisme dont des catholiques ont pu se faire les diffuseurs en parlant de "déicide". Je suis de ceux qui pensent qu'un homme vaut un homme et que chaque Juif (comme chaque Tsigane) exterminé dans les camps, dans les bois d'Allemagne ou d'Europe, entre 1933 et 1945, est l'un de mes frères assassinés. Je suis de ceux dont la lecture de Primo Levi à changé la compréhension du monde. Mais il m'est tout à fait insupportable de constater que mes appréciations politiques puissent me valoir d'être considéré comme antisémite.

Mais il y a plus grave encore, selon moi! Ceux qui instrumentalisent la Shoah la trahissent, quand ils ne la salissent pas! Les fils et filles de victimes du nazisme qui, sur plusieurs générations, depuis 1945, ont souffert et souffrent encore du crime d'État appelé génocide, dont ils sont les survivants blessés à jamais, (mais, pour partie, nous avec eux, comme appartenant à cette humanité-là, dont nous sommes, et qui compte tant de bourreaux et de martyrs!), ces fils et ces filles ne sont pas protégés contre les erreurs. Et ils en commettent! Ils ne sont pas à l'abri de l'injustice. Et ils y sombrent. Ils ne sont pas exempts de tentations violentes en paroles et en actes. Et ils y succombent. Non, les Justes ne sont pas tous du côté des Juifs et le prétendre est impie dirait un Juif lettré. Seuls les ignorants et les sectaires pourront donc dire le contraire.

En fin de compte, ce qui s'avère le plus troublant, le plus douloureux, c'est que ceux qui ont l'expérience historique et culturelle de l'un des plus grands désastres qu'ait connus l'humanité, perdent le sens de l'universel! Pourquoi accusent-ils ceux qui attendent d'eux qu'ils combattent, encore plus que d'autres, la violence collective? Et pourtant, ils savent ce qu'elle est, cette violence! Pourquoi couvrent-ils du mot de terrorisme toutes les luttes armées -toute guerre est odieuse, certes!-. Et pourtant, ils ont, eux aussi, porté ce nom d'infamie, ce vocable de "terroristes".

Oui, s'il est un peuple qui pourrait tenter d'échapper à ce que tant de nations ont commis, comme meurtres et crimes de masse, c'est bien ces Juifs, dont beaucoup se sont implantés en Israël, et dont on a du mal à penser qu'ils puissent commettre ce qu'ils commettent, sous les yeux du monde entier! Ceux qui se nient et renient en ne respectant pas leur propre passé et agissent en ne comptant plus que sur
la supériorité de leur armement, à ceux-là nous avons envie de crier : "non! pas vous!"

S'il fallait, enfin, que, par souci de défense, Israël encourage ses alliés à user de la force nucléaire, en Iran, ou s'il devait s'ouvrir un conflit dans lequel Israël utiliserait cette même force, (dont tout le monde sait qu'il est doté), alors c'en serait fini de toute dignité internationale, de tout avenir de paix dans la région. Que les États qui reprochent à un État islamiste de se procurer des moyens civils et militaires, inséparables les uns des autres, tout en en disposant eux-mêmes, ne se rendent plus compte de leurs contradictions en dit long sur la cécité politique qui interdit de voir venir l'horreur.

Le comble de l'antisémitisme, finalement, c'est de penser que le peuple d'Israël n'aura pas le génie d'échapper à cette civilisation de la mort, la mort distribuée au hasard. On ne combat pas le terrorisme par la terreur. Et si de l'affirmer doit ma valoir le qualificatif d'antisémite, j'en supporterai l'injure, au nom de mon rejet viscéral de l'antisémitisme. De quoi me plaindrais-je? Tant de Juifs ont subi bien pire.

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