vendredi 29 septembre 2017

Pour l'interdiction totale des armes atomiques : espoirs et doutes


Ceux qui doutent et ceux qui espèrent observent le refus brutal des tenants de la dissuasion nucléaire. Mais tout n'est pas dit : C'est un bras de fer diplomatique sans précédent qui s'engage entre partisans et adversaires du traité d'interdiction, adopté cet été, et déjà en cours de validation. Aux citoyens du monde entier de soutenir l'action de l'ONU.
Voici  quelques informations à diffuser largement :

1- C'est passée inaperçu : le 7 juillet 2017, Le Vatican a voté, pour la première fois de son histoire, aux Nations unies.
Simple observateur, le Vatican n’a normalement pas le droit de vote à l’ONU mais la convention négociant le traité sur l’interdiction des armes nucléaires avait décidé de lui donner les mêmes droits que les autres États membres.
Pour son premier vote à l’ONU, le "Saint-Siège" s’est donc prononcé pour l’interdiction totale des armes nucléaires. Non que le Vatican ait, ne serait-ce qu’un jour, envisagé de se doter de l’arme atomique, mais, en le signant, le Saint-Siège apporte ainsi au traité son autorité morale, alors que  aucun pays détenteur de l’arme nucléaire ne l’a signé.
ll faut attendre Benoît XVI pour entendre, dans le discours pontifical, une condamnation ferme de la dissuasion nucléaire. « Que dire des gouvernements qui comptent sur les armes nucléaires pour garantir la sécurité de leurs pays ? », s’interroge-t-il ainsi, en 2006, dans son premier message pour la Journée mondiale de la paix. « Avec d’innombrables personnes de bonne volonté, on peut affirmer que cette perspective, hormis le fait qu’elle est funeste, est tout à fait fallacieuse, continue-t-il. En effet, dans une guerre nucléaire, il n’y aurait pas des vainqueurs, mais seulement des victimes. »

2 - Le traité d’interdiction des armes nucléaires a été ouvert à la ratification le mercredi 20 septembre 2017.
La cérémonie de signature s'est déroulée pendant la 72e session de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. Pour les partisans du désarmement nucléaire, ce traité autorise de nouveaux espoirs, comme l’explique Jean-Marie Collin, vice-président d’Initiatives pour le désarmement nucléaire et membre expert d’ICAN France (Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, un collectif créé au printemps 2009).


3 -Traité d’interdiction contre TNP ?

La bombe atomique sera-t-elle un jour interdite, au même titre que les armes chimiques ou biologiques ? C’est l’ambition du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en juillet dernier et signé dès le 20 septembre par une cinquantaine de pays, le Brésil en tête. Seuls ces Etats signataires seront soumis à l’interdiction. Les Etats nucléaires ont refusé de participer à l’élaboration du nouveau traité et certains, comme la France, redoutent un affaiblissement du Traité de non-prolifération

Le Traité de non-prolifération nucléaire, antérieur, mentionnait le droit de cinq pays (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France) à posséder la bombe atomique et interdisait aux autres Etats signataires d’acquérir l’arme nucléaire. Il prévoit aussi des efforts de désarmement, mais ils sont en réalité bien peu tangibles. C’est pourquoi le nouveau traité bannissant l’arme nucléaire « est le symptôme d’une insatisfaction des Etats ayant choisi de ne pas se doter de cette arme, alors que les Etats dotés d’armes nucléaires annoncent ou mettent en œuvre des programmes de modernisation pour les 30 ou 40 prochaines années », explique le chercheur Benoît Pelopidas.
Benoît Pelopidas ajoute : « La communication française dit que la dissuasion nucléaire protège l’Etat contre toute menace quelle qu’en soit la nature. Si vous dites ça, comment faites-vous pour justifier, en dehors de l'invocation d'une obligation légale, que les autres Etats ne doivent pas posséder cet instrument merveilleux ? »


4 - Début des signatures du traité interdisant les armes nucléaires.

Au lendemain des propos incendiaires de Donald Trump , qui a fait vœu à la tribune des Nations unies « d’anéantir la Corée du Nord » si celle-ci s’en prenait au territoire américain ou à celui de ses alliés, plus de cinquante Etats membres ( en fait 51), ont discrètement commencé à ratifier un traité bannissant l’usage des armes nucléaires. Ce texte avait été négocié, courant 2017, avant d’être formellement approuvé par 122 pays dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU, le 7 juillet 2017.



samedi 19 août 2017

De la discrimination totale


Texte présenté lors d'une réunion de la LDH en 2010,
Relu et revu en 2017

La discrimination consiste, dit le dictionnaire Le Robert, dans « le fait de séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal ». Il est donc de multiples formes de discriminations. Celle qui m'apparaît la plus effroyable, et pourtant pas toujours la plus visible, c'est la discrimination écologique et économique tout à la fois, tant il est vrai que les deux qualificatifs (écologique et économique) se confondent, à présent, depuis que nous découvrons que l'épuisement des ressources énergétiques essentielles va affecter des peuples entiers.

Notre planète Terre traite à peu près tous les hommes de la même manière, en bien comme en mal. Elle ne choisit pas ! L'humanité, au contraire, ne se traite pas elle-même de façon équitable : les biens terrestres sont non seulement très mal partagés, ils sont répartis de sorte que ceux qui vivent à leur aise peuvent faire mourir ceux à qui l'essentiel est enlevé.

Ce n'est évidemment pas nouveau. Depuis des siècles et des siècles, les riches affament les pauvres. Le Nouveau Testament, déjà, voici deux millénaires, - bien des chrétiens l'ont oublié !- évoquait rudement cette discrimination entre les puissants et les humbles1. On a pu croire qu'une fois faite la révolution de 1789, l'exploitation des humains par la noblesse prendrait fin et, avec elle, la fin du pouvoir des Grands, dotés, par leur droit héréditaire, des richesses de la Terre. On a pu croire aussi qu'une fois la révolution sociale, engagée puis réengagée sans cesse, en France, en 1848, 1870, 1936, 1945, l'exploitation de l'homme par l'homme prendrait fin et, avec elle, la fin du pouvoir des détenteurs du capital ayant droit sur tout, y compris celui de transformer le travail humain, voire les êtres humains eux-mêmes, en marchandises.

Nous voici, au XXIe siècle, héritiers d'une histoire innommable au cours de laquelle on a déguisé la loi du plus fort sous mille apparences. On en est même venu à prendre prétexte de la justice et de la démocratie, bien sûr en les détournant, pour tenter de faire admettre le caractère prétendument inévitable, voire naturel, de la discrimination ! La résilience des faibles, cette capacité à vivre, à se développer, en surmontant les chocs traumatiques et l'adversité, a pourtant réussi à faire traverser les siècles sans s'abandonner au désespoir absolu. Mais nous voici à bout et au bout!

Aujourd'hui, il faut payer la note : l'humanité a commencé à se mettre en danger. La confusion entre la richesse et la croissance a conduit à ignorer les limites à ne pas franchir. À force de puiser dans le vivier, nous avons commencé à le vider. Et pourtant, nous continuons à vivre, ou du moins l'on continue à vouloir nous faire vivre, comme si tout devait continuer comme avant. La discrimination des discriminations, c'est celle qui ignore que jamais la Terre n'a été autant peuplée et qu'il faut en nourrir tous les enfants ; c'est celle qui ignore que la majorité des humains vit à présent dans les villes mais que c'est dans le monde rural qu'on produit de quoi alimenter tous les peuples; c'est celle qui ignore que l'on a, en deux cents ans, largement épuisé des ressources fossiles qui avaient mis plusieurs centaines de millions d'années à se constituer; c'est celle qui ne veut pas voir que la seule eau potable, c'est 2% de l'eau terrestre, conservée dans des banquises et des glaciers qui fondent; c'est celle qui ne veut rien entendre de cette parole de Gandhi qui, dès les années 1940, rappelait qu'il nous faut « vivre simplement pour que tous les hommes simplement vivent ».

Voilà la discrimination des discriminations ou discrimination totale, celle qui tue davantage d'hommes et de femmes que les guerres les plus cruelles, celle qui affame, assoiffe, hâte le vieillissement, pollue, empoisonne, épuise la mer, vicie l'air que nous respirons, celle que les « décideurs » comme l'on dit, supportent d'autant mieux qu'eux en souffrent peu.

La discrimination commence quand ce qu'on appelait, il a peu de temps encore, l'égalité des chances est rendue impossible, quand le mot d'égalité, du reste, est devenu un vocable ringard, quand la devise républicaine (« Liberté, Égalité, Fraternité ») apparaît comme une vieille utopie qui ne fournit plus aucun objectif, quand le travail n'est plus pensé comme une activité de construction de l'en-commun mais est présenté comme ce qu'achètent les propriétaires à qui profitent le savoir, la force et le talent qu'ils emploient. La discrimination n'est donc pas une exception; c'est le sort quotidien de la majorité des hommes, séparés (en latin, discriminatio signifie séparation) d'une minorité disposant à son gré, -on se demande au nom de quoi?- du pouvoir d'agir sur autrui !

Tout ce que je dis là a été dit et redit. C'est chose recuite! Au travers des œuvres des grands écrivains, de Montaigne à La Boétie, de Montesquieu à Rousseau, de Proudhon à Marx, de Sartre à Camus -et j'en passe, bien sûr, de tout aussi importants -, la même conviction traverse les philosophies : nul ne saurait faire d'autrui sa chose; un homme vaut un homme; c'est indûment qu'on a disposé, ou qu'on dispose encore, de l'ilote, de l'esclave, du serf, du valet, du laquais, du manœuvre, de l'ouvrier, du prolétaire, de l'employé soit en le chargeant de tâches jusqu'à épuisement, soit en le privant d'emploi jusqu'au désespoir et à la misère.

L'histoire est tragique et l'espoir des désespérés qui, malgré tout, portait les peuples vers l'avant semble s'user à son tour. Les droits de l'homme sont des coquilles creuses : l'extérieur a toujours le même aspect, fait de phrases et de mots; mais l'intérieur est sans chair, sans goût et sans vie, sans réalité palpable. La discrimination est la loi du monde et l'on apprend, dès l'école, que le meilleur, le plus fort, le plus rapide, le plus instruit, le plus intelligent, le plus riche donc, mérite seul les louanges. La compétition est l'épreuve par laquelle se dégagent ces... « plus quelque chose ». Réussir, c'est dominer. Le pouvoir sur ses congénères, autant que sur les biens terrestres, semble réservé aux élites. Ainsi pense-t-on, à présent, en Occident. Le peuple, quels que soient son nombre, sa diversité, ses richesses culturelles, est masqué par « les peoples », c'est-à-dire les vedettes et les personnalités. N'existe que ce qui brille. La masse des obscurs, des sans grade, est faite pour remplir l'espace du travail et pour obéir à l'état de droit lequel, lui aussi, semble de plus en plus... discriminant.

La boucle est-elle bouclée? N'y aurait-il donc qu'à pleurer ou mourir, une fois fait ce constat funeste et démobilisateur?

Eh bien non! D'abord parce que le vieil Hugo nous a laissé, dans Les Châtiments son exhortation ineffaçable, inoubliable, indémodable : « ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent », mais aussi parce que nous arrivent, d'un seul coup, de nouveaux motifs d'agir. La discrimination des discriminations a cessé, depuis peu, d'apparaître comme éternelle. L'argent n'est plus tout à fait roi. Les menaces sur l'humanité ne font plus toujours le tri entre riches et pauvres et, si l'on veut sauver les uns, il faudra bien sauver les autres. Le cauchemar climatique n'est pas réservé aux modestes : s'il vient, il frappera n'importe où. La solidarité, ce mot qu'on avait enfoui au fond des bibliothèques, est devenu une obligation de survie. Le partage, cette incongruité pour les nantis, va devenir, pour les destinées humaines, l'une des conditions mêmes de l'avenir. Le plus a cessé d'être l'alpha et l'omega de l'économie. Le mieux fait sa rentrée dans le monde. Comme souvent, la menace des catastrophes -et il n'en manque pas depuis quelques mois, liés ou non au dérèglement climatique!- fait ressurgir la fraternité. La Terre est ronde, et comme nous l'avait appris Emmanuel Kant, nous voici condamnés à l'hospitalité sur cette planète que nous savons devenue trop petite pour être exploitée à l'infini.

Alors profitons-en! Cette chance d'un rapprochement entre les humains ne passera peut-être pas deux fois. Une rupture majeure s'impose. Voici venu le temps de diverger, de s'écarter, de s'éloigner d'une idéologie mortifère qui porte un nom banal qu'on avait oublié et que nous avons exhumé, ressorti après des années d'amnésie, donc de mensonge : « le capitalisme ». Ce n'est pas le même qu'au XIXe siècle mais il n'est pas davantage « moralisable » que son prédécesseur. On ne moralise pas la volonté de profiter d'autrui! Ce système adaptable et multiforme, vieux de plus de deux cents ans, a fait son temps. Il a produit. Trop! Il a conquis. Trop! Il a repoussé les limites. Trop! Il est, tout à coup, devenu obsolète, comme en 1789, le pouvoir absolu du Roi, comme en 1989, le pseudo communisme soviétique. Quoi que nous fassions, il va s'effacer de notre histoire. Mais comment? Serait-il venu le temps où l'initiative individuelle va pouvoir se marier à de nouvelles coopérations, de nouvelles coopératives, de nouvelles mutualités, le temps d'une longue, lente et radicale révolution non violente? Aucun retour en arrière, aucun modèle ne nous permettra d'effectuer cette mutation de civilisation qui mène vers une ère nouvelle. La discrimination totale, mondiale, si elle continuait longtemps encore, exacerbée par ce qu'on a appelé à tort la crise et qui était, en réalité, une mutation de société, finirait par prendre le visage de la barbarie. Pour y échapper, il nous faudra faire œuvre politique et non politicienne. Ainsi seulement pourrons-nous redonner du contenu aux Droits de l'Homme.

Car un Droit qui n'est qu'un Droit n'est pas un Droit véritable. À quoi bon avoir raison si l'on ne peut rien changer à son sort? Rien n'est plus urgent que de transformer en une réalité ce qui est juste. Le plus grand défi que nous ayons à surmonter c'est celui de l'impuissance couplé au découragement!

Prenons, pour conclure et à titre d'exemples, trois événements que nous avons vécus, au cours de la même année, en 2009 : le 20e anniversaire de la signature de la Convention des Droits de l'enfant (le 20 novembre 2009), le sommet mondial sous l'égide de la FAO, à Rome, consacrée au drame alimentaire mondial (le 18 novembre 2009), la conférence internationale, dite COP 15, qui s'est tenue à Copenhague (en décembre 2009), qui a réuni, sans succès, les délégations de 193 États devant aboutir à la réduction rapide et massive des causes génératrices d'un effet de serre mortel pour l'espèce humaine.

Les Droits de l'Enfant sont non seulement bafoués; ils sont - et c'est pire - ignorés. Il aura fallu que soit révélé un novembre 2009, un affreux scandale en Irlande pour qu'on avoue que des adultes, nombreux, de surcroît prêtres, étaient des violeurs pédophiles. Que des catholiques soient, actuellement, les premiers à se révolter contre ces crimes est tout à leur honneur, mais l'essentiel est ailleurs : l'enfance n'est pas protégée par ses Droits. Partout, et pas seulement en Irlande, la transformation du petit d'homme en chose dont on use à son gré, est patente. Les enfants-soldats, les enfants prostitués, les enfants-travailleurs non payés sont là devant nous, mais nous ne parvenons pas à les secourir. L'action (dangereuse) de ceux qui s'y consacrent est mal connue. En France, des enfants qui ont droit à l'école, que leurs parents veulent scolariser, qui vivent parmi nous et ne peuvent fréquenter les écoles parce que des maires interdisent leur inscription, parce des familles sont chassées ce qui interdit la fréquentation régulière des classes. Vous l'avez deviné il s'agit des enfants Rroms. Cet abandon de gosses européens qui, depuis 2007, ne peuvent plus être définitivement rejetés hors de France, nous coûtera cher d'ici quelques années quand nous les retrouverons, adolescents analphabètes. Une possibilité d'agir parmi mille autres est là, à notre portée... D'autant que, en dépit de toutes les protestations, la Défenseure des Enfants a cessé d'être l'Autorité indépendante à laquelle quiconque pouvait avoir recours.

La faim qui, de nouveau, étend ses ravages, avec plus d'un milliard de sous alimentés sur notre Terre va inexorablement déclencher de nouvelles émeutes. Et sous peu. Il ne s'agit plus de savoir si elles vont se produire, mais quand. Le droit à l'alimentation est le premier des Droits humains mais cela n'intéresse pas ceux qui remplacent les terres cultivables (pour produire de quoi manger) par des terres cultivables (pour produire des bio carburants). Eh bien, cela nous concerne et nous pouvons agir. La terre peut nourrir douze milliards d'hommes, presque deux fois la population actuelle qui dépasse des sept milliards, mais pas en nourrissant tous les Terriens comme se nourrissent les Occidentaux. Si nous ne mangeons pas moins de viande, la famine s'étendra. Cela mériterait un débat à soi tout seul. Mais c'est incontestable. Les scientifiques le démontrent. Notre propre santé est en cause. Il est encore temps de s'en pré-occuper! Faisons-le!

Enfin, considérons le Droit de nos enfants et petits enfants, des générations à venir, à continuer de vivre sur cette planète. Les dirigeants des États, à Copenhague, n'ont fait que constater, parler haut et fort, pour nous révéler l'étendue des dangers, marquer une détermination, annoncer leurs bonnes intentions. Ils n'ont pu commencer à inverser le réchauffement pour de nombreuses raisons. La première est, pardonnez mon pessimisme, parce que le mal est déjà fait; nous ne pouvons qu'empêcher qu'il s'aggrave. L'augmentation de la température moyenne sur le Globe d'au moins 2° est acquise. La seconde c'est que ceux qui disent vouloir changer l'activité humaine pour éviter le pire ne veulent, et ne peuvent, remettre en cause le système qui est cause de ces désordres dans nos activités industrielles, depuis deux siècles. La troisième, c'est qu'on ne change pas les mœurs en quelques années. La révolution à opérer a besoin de tous. La prise de conscience, lente mais décisive, des peuples de la Terre est notre seule chance de salut. Elle prendra du temps, plus que n'en disposent les élus dont les mandats sont courts, tout au plus de cinq à six ans!

Notre pessimisme est générateur d'espoir : nous n'avons plus d'autre choix que de nous mobiliser jusqu'à la fin de nos vies. La rupture est à installer en chacun de nous : il ne suffit plus d'être conscient et de décider; il faut changer et se changer, se hâter lentement, comme la tortue de la Fontaine, qui arrive au but mieux que celui qui court et se perd en chemin, en perdant de vue l'objectif, tout occupé qu'il est par son profit ou son succès immédiats. Nous avons à opérer ce que Jean Malaurie2, le célèbre ethnologue, aujourd'hui octogénaire, appelle une révolution philosophique, ce qui revient à entrer dans l'écosophie, la sagesse écologique, pas à pas, mais sans retour. C'est notre seule espérance politique. C'est peut-être la meilleure.

Ermont, le 10 juin 2010.
Éragny, le 20 juillet 2017

1Lettre de saint Jacques Apôtre (Jc 5, 1-6) :
« Vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous, sur les malheurs qui vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs, le voici qui crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur de l’univers. Vous avez mené sur terre une vie de luxe et de délices et vous vous êtes rassasiés au jour du massacre. Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous oppose de résistance ».

2 Jean Malaurie, Terre Mère, CNRS éditions, Paris, 2008.

samedi 29 juillet 2017

Sur le revenu universel


 « Sans revenu, point de citoyen ». Thomas Paine.

Thomas Paine (1737-1809)1, est considéré comme le premier penseur du revenu de base, en 1795. En réalité, Thomas More (1478-1535)2 s'était exprimé, à ce propos, bien avant lui, dès 1516, dans un texte de l'Utopie : « de la prospérité sociale ».
À en croire la couverture du dernier Charlie Hebdo : « Les feignasses ont leur candidat », le revenu universel3 serait, en 2017, un encouragement à la paresse ! La caricature, l'humour et la satire ne permettent pas tout et la question aurait pu être moins agressivement posée : est-ce qu'un revenu pour tous, sans conditions, mettrait la dynamique sociale en panne ? 
  
L'opposition entre Hamon et Valls, sur ce sujet, aura été éclairante. L'un, Valls, conserve, in fine, le slogan 2007 de Sarkozy : « il faut travailler plus pour gagner plus ». Celui qui se disait « le candidat de la fiche de paye » mélange, ainsi, le travail et l'emploi et ne conçoit pas qu'on dispose de revenus suffisants sans qu'ils soient liés à cet emploi. L'autre, Hamon, est convaincu que le travail rémunéré, l'emploi, continuera tendanciellement à régresser. La croissance des biens et services est déjà en recul. Il faut se préparer à vivre en un tout autre monde où chaque humain devrait pouvoir disposer de quoi vivre, puisqu'il est né sur notre commune planète et que les richesses, si elles sont mieux partagées suffisent à satisfaire les besoins. 
 
La conservation et l'innovation s'affrontent donc. Le « réalisme » conservateur serait de ne rien changer au mode de production si ce n'est pour augmenter les profits des seuls créateurs d'emploi : les entreprises privées et publiques. L'« utopie » innovatrice consiste à travailler à la recherche de ce neuf qui n'a pas encore totalement surgi mais qui s'annonce irréversiblement et dont on voit déjà s'approcher les signes. En bref, c'est le contenu et le temps du travail qui font questions pour les hommes et femmes politiques. C'est, pour ceux qui ont la culture du travail (dans les syndicats et les partis de la gauche traditionnelle), un redoutable défi : apparemment, soutenir les travailleurs tout en admettant la régression du travail salarié, est contradictoire. Pourtant, il n'y a pas, sur Terre, que des employés et des chômeurs ! Non seulement parce que l'emploi à temps de plus en plus partiel s'est développé considérablement, non seulement parce que l'on produit toujours davantage avec de moins en moins moins d'heures « travaillées », mais parce que l'emploi de nos temps de vie peut être libéré afin de nous permettre de participer à des activités sociales, culturelles, de loisirs, sportives, intellectuelles, associatives, artistiques, etc..., de plus en plus nombreuses en notre société, de nos jours.
   
Les politiciens de la droite et de la fausse gauche exploitent la réticence des citoyens formatés depuis leur enfance et qui ne peuvent comprendre qu'on puisse « être payé sans travailler ». Il ne vient à l'esprit de presque personne que l'on travaille sans cesse et sans être payé : dans une famille, les tâches de ménage, de soin des enfants, d'entretien du logis, de bricolage, de jardinage, de soutien des parents ou voisins âgés ou handicapés, de recueil et d'utilisation des informations utiles, toutes ces occupations nécessaires à la vie ne sont pas payées ! Et encore, c'est sans prendre en compte l'activité scolaire des enfants, des adolescents et des jeunes qui, de fait, travaillent pour acquérir les compétences indispensables à l'autonomie de celui ou de celle qui devient adulte. On peut, par conséquent, constater que si bien des tâches sont effectuées par des robots, il reste à travailler hors des entreprises, sans être payé, pour que soit simplement possible la vie en commun dans nos logements, nos quartiers, nos communes et tous les organismes qui ne perdurent que grâce au bénévolat. Les robots allègent le travail humain ou le remplacent. Les taxer quand ils privent les hommes d'emploi ne serait que justice : les employeurs y gagneraient encore et les moyens de financer le revenu universel s'en trouveraient largement abondés. 
  
La marchandisation tend à se généraliser, mais on peut y résister. On ne peut tirer profit de tout et en dépit de la toute puissance publicitaire, nos vies, fort heureusement, ne seront jamais tout entières placées sous la domination du capital financier. Pour savoir si fournir un revenu à chacun est possible et souhaitable, il suffit de vérifier si on peut le payer avec les revenus prélevés sur tout ce qui rapporte des profits substantiels, voire excessifs. C'est un calcul mathématique relativement simple si l'on y associe une réforme fiscale sérieuse. Mais il y a plus : dans toute société qui peut accueillir et nourrir ses enfants, il importe de prévoir de quoi « donner à vivre » et ce de la naissance jusqu'à la mort. On le sait depuis l'antiquité. C'est un présupposé philosophique, constamment combattu par les possédants, mais qui trouve, aujourd'hui, une acceptabilité beaucoup plus grande. 
  
S'engager dans cette voie pour les 18-25 ans qui ont besoin de fonds pour payer leurs études, leur logement à distance de leurs parents, leur recherche d'emploi, comme le prévoit Benoit Hamon, est un début, mais on ne pourra s'en tenir là. Partout ou l'essai du versement de individuel et universel est testé (comme en Finlande actuellement), il faut en mesurer la réussite et les échecs. Il ne peut évidemment s'agir d'une mesure limitée à la seule France. L'économie ne peut dominer nos choix politiques à jamais !
Cette entrée en campagne présidentielle réveille les citoyens qui veulent devenir vraiment maîtres de leur vie, utopie ou pas, car, pire que toute utopies est ce pseudo réalisme qui consiste à affirmer, faussement, que le pouvoir appartient pour toujours aux riches et qu'on n'y peut rien changer.




Il échappa de peu à la guillotine et fut sauvé par l'ambassadeur des États-Unis.


Il échappa de peu à la guillotine et fut sauvé par l'ambassadeur des États-Unis.


À sa mort, en 1809, dans une petite ferme de New Rochelle, dans l’État de New York, Thomas Paine était pauvre et méprisé !


Son maître livre sur « Les Droits de l’Homme », réédité chez Belin en 1987, est consultable sur Gallica 1ère Partie et 2ème Partie.


Lire sa biographie et son éloge dans : http://www.revenudebase.info/2016/03/02/lire-paine-gauche/


2 - Voir la traduction du latin du texte de Thomas More dans l'hebdomadaire « le 1 », n°139, du 25-01-2017, page 3.


3 Appelé aussi, (entre autres, car les études sur ce concept ancien se multiplient à présent) : «  revenu de base », « revenu inconditionnel », « revenu inconditionnel suffisant », « revenu d'existence », « revenu minimum d'existence », « revenu social », « revenu social garanti », « allocation universelle », « revenu de vie », « revenu de citoyenneté », « revenu citoyen », « dotation inconditionnelle d'autonomie »ou « dividende universel ».


Voir la note bien faite : https://fr.wikipedia.org/wiki/Revenu_de_base



À sa mort, en 1809, dans une petite ferme de New Rochelle, dans l’État de New York, Thomas Paine était pauvre et méprisé !


Son maître livre sur « Les Droits de l’Homme », réédité chez Belin en 1987, est consultable sur Gallica 1ère Partie et 2ème Partie.


Lire sa biographie et son éloge dans : http://www.revenudebase.info/2016/03/02/lire-paine-gauche/


2 - Voir la traduction du latin du texte de Thomas More dans l'hebdomadaire « le 1 », n°139, du 25-01-2017, page 3.


3 Appelé aussi, (entre autres, car les études sur ce concept ancien se multiplient à présent) : «  revenu de base », « revenu inconditionnel », « revenu inconditionnel suffisant », « revenu d'existence », « revenu minimum d'existence », « revenu social », « revenu social garanti », « allocation universelle », « revenu de vie », « revenu de citoyenneté », « revenu citoyen », « dotation inconditionnelle d'autonomie »ou « dividende universel ».


Voir la note bien faite : https://fr.wikipedia.org/wiki/Revenu_de_base

La fraternité selon Péguy


Repenser la fraternité reste d'actualité.
 J'y reviens. Péguy est l'écrivain français qui associa le mieux fraternité et partage. Que retenir de ce qu'il écrivit.

1 - La fraternité précède l’égalité 
Face à l’incertitude et à l’imprévisibilité, à des menaces qui peuvent renvoyer quiconque à la misère et à la déchéance, il n’est point d’autre parade que le fraternité. Péguy l’affirme. Pour lui, la fraternité précède l’égalité ; « c’est un devoir préalable ». Relire Péguy[1] n’est pas redécouvrir ce qu’un esprit vif, un grand écrivain pensait, c’est parfois éclairer l’actualité d’une lumière qui, au moment où elle avait été allumée, ne pouvait être dirigée vers les mêmes objets, et c’est alors, cent ans plus tard, que se trouve illuminée la réalité quotidienne.

2 - Tant que subsiste la misère, la fraternité n’existe pas.
La fraternité, explique en effet Péguy, s’oublie sans doute parce qu’on la pense troisième dans l’ordre des valeurs républicaines. La fraternité n’est pas la résultante de la liberté et de l’égalité, l’heureux plus qui inonderait la société de générosité. Certes pas ! La fraternité est indissociable de la misère. Tant que subsiste la misère, la fraternité n’existe pas. « Il suffit, dit Péguy, qu’un seul homme soit tenu sciemment, ou, ce qui revient au même, sciemment laissé dans la misère pour que le pacte civil tout entier soit nul[2] », et encore « sauver tous les miséreux de la misère est un problème impérieux, antérieur à l’institution véritable de la cité ».

3 - Tant que subsiste la misère la cité elle-même ne saurait exister
A l’en croire, et rester en la compagnie de Péguy ne peut réconforter mais galvanise, tant que subsiste la misère la cité elle-même ne saurait exister ! Il y a un préalable à la respublica, c’est qu’il y ait un véritable en-commun. Il suffit qu’un seul en soit exclu et il n’y a plus d’en-commun, il n’y a plus de république.
Chaque homme nous souffle Péguy est inoubliable. Toutes les idées, toutes les arguties, toutes les démonstrations, toutes les justifications par lesquelles on donne à croire que nous vivons en démocratie, s’effondrent dès qu’il est toléré qu’un seul homme puisse s’enfoncer dans la misère sous le regard de tous !

4 – Ne confondons pas pauvreté et misère
Là où vit un miséreux, il n’est plus, il n’y a jamais eu de cité. Pareille intransigeance, tient, dit encore Péguy, à ce que l’on « confond presque toujours la misère et la pauvreté ; cette confusion vient de ce que la misère et la pauvreté sont voisines ; elles sont voisines, sans doute, mais placées de part et d’autre d’une limite ; /…/ cette limite économique est celle en-deçà de qui la vie économique n’est pas assurée et celle au-delà de qui la vie économique est assurée  », car « le pauvre est séparé du miséreux par un écart de qualité, de nature[3]».
On peut vivre de peu. On ne peut pas vivre avec rien. Écart immense. On saisit mieux pourquoi Péguy peut à la fois affirmer que misère et pauvreté sont voisines, mais que pauvres et riches sont séparés des miséreux par une limite qui n’est franchie qu’une seule fois, et sans risque de retour : c’est la limite de l’inhumain, de l’invivable, de la servitude, de l’avanie car, dit toujours Péguy, « seuls les cuistres de la philanthropie peuvent s’imaginer que la misère fait reluire les vertus. /…/ Dans la réalité, la misère avarie les vertus[4]». Thomas d’Aquin eut dit : « il faut un minimum de bien être pour pratiquer la vertu ».

5 - La fraternité sélective n’est plus la fraternité
En quittant Péguy nous retiendrons, avec lui, que la fraternité, « d’âge en âge, qu’elle revête la forme de la charité ou la forme de la solidarité, /…/ fait le monde ». Elle prime. Elle est universelle. Sinon, elle est réduite à n’être que le sentiment que les privilégiés de la patrie ont en partage : celui de l’appartenance à une même nation, celui des natifs d’un même sol ! La fraternité sélective n’est plus la fraternité. Elle n’est que la solidarité et la complicité actives du clan.

6 - Sans la fraternité, liberté et égalité sont incompatibles
La fraternité incite à l’égalité, aspire, pour chacun, à la liberté. Elle ne s’ajoute à rien ; elle n’ajoute rien. Elle rend compatibles les deux valeurs rapprochées par John Locke[5] et le chevalier de Jaucourt[6] : égalité et liberté. L’apparition de la devise symbolisant le nouvel ordre social : liberté, égalité, fraternité doit davantage, estime Michel Borgetto[7] à Jean-Jacques Rousseau dans son « discours sur l’Economie politique[8] » même si c’est pour le philosophe des Lumières, de l’amour de la Patrie, la terre des pères, que jaillit l’indispensable complément de la fraternité.

7 - Il n’est plus de fraternité possible que cosmopolite.
La patrie nouvelle à aimer, c’est la Terre-patrie dit Edgar Morin ; « la terre est une patrie en danger [9]» précise-t-il. Il n’est plus de fraternité possible que cosmopolite. La Marseillaise de 1792 fut un appel à la guerre, Le chant de guerre pour l’armée du Rhin. La fraternité du sang n'est que biologique. Cet hymne est intouchable tant qu’il reste acquis qu’on doit pouvoir mourir pour la nation mais il est incompatible avec la fraternité, avec l'autre hymne, celui de l’Europe : l’Ode à la joie de Schiller harmonisée par Beethoven dans la Neuvième Symphonie.

8 - La fraternité a cessé d’être une affaire de cœur et sensibilité.
De modernes Cassandre nous supplient de considérer que si nous ne sommes enfin frères, c’en est fini de l’histoire humaine. Le pire n’est jamais sûr ! Mais ce qui est sûr, en revanche, c’est que la fraternité a cessé d’être une affaire de cœur et de sensibilité : c’est une sauvegarde, une « précaution » (le mot s’impose en ce siècle), une non-violence active, une radicale contestation des figurations du mal, un refus de la misère qui déshumanise, une solidarité active face à tout malheur, un impétueux désir de survie dans un siècle que l’horreur du précédent n’a pas guéri du goût de la mort.


9 - La fraternité est indissociable de l'hospitalité.
La fraternité, telle une évidence impossible, porte en elle toutes les contradictions de l’utopie : n’avance vers elle que celui qui peut porter le regard loin afin de se diriger vers un horizon, mais un horizon toujours reporté, toujours masqué par la rotondité de la Terre ! La fraternité (dont Péguy affirme qu’elle est indissociable de la lutte première, prioritaire, principale… contre la misère), est tout autant indissociable de l’hospitalité telle que la pensait Kant. Aucune paix n’est durable là où subsiste la misère. La paix ne peut tendre à devenir perpétuelle que là où progresse la justice, là où chaque citoyen se montre hospitalier.
10 - La fraternité à qui des limites sont tracées cesse d’être fraternelle.
Fraternité : le mot est désarmant ! Il n’a qu’un sens ; on lui en a trouvé plusieurs. Loin de faire tomber les armes, il les fait prendre à ceux qui, tel Brissot, appelait à « une croisade de libération universelle » ! Les frères d’armes sont inexorables pour l’ennemi. La fraternité à qui des limites sont tracées cesse d’être fraternelle, à l’approche des frontières, physiques ou symboliques. Elle se mue en défense et s’écarte d’une partie des hommes. Le citoyen du Monde, seul, à l’ambition d’essayer la fraternité universelle, sans conquête et sans croisades. On l’admire et/ou on le ridiculise : utopiste il est respectable; irréaliste on le dit dangereux.
11 - La fraternité est impossible dans une république nationaliste.
La fraternité est donc plus qu’à essayer : elle est à réinventer. Elle déborde du champ de la devise républicaine qui la délaisse et la réduit à n’être qu’un complément des deux valeurs politiques essentielles : la liberté et l’égalité. Roland de la Platière dans son discours devant la Convention, deux jours après la victoire de Valmy, annonçait la proclamation de la République et de la fraternité dans chaque département, avait commencé son propos par cette envolée : « la volonté des Français est prononcée. La liberté et l’égalité sont leurs biens suprêmes ; ils sacrifieront tout pour les conserver ».
La République fraternelle de Roland, proclamée en 1792, fut tout sauf charitable. Elle ne pouvait pas l’être, d’abord en raison de l’aversion des Révolutionnaires pour l’Eglise et son discours, mais plus encore parce que, enfermée dans la Nation, elle se fabriquait des ennemis quand elle en manquait.
On connaît la suite : la fraternité du sang, la mansuétude de Guillotin, l’avènement de Bonaparte.

12 - La fraternité universelle ne se conquiert pas à la pointe des baïonnettes.
La contestation de la philosophie des Lumières date de la période révolutionnaire. Entre 1789 et 1794, les fondements des politiques pratiquées ne furent pas les mêmes, y compris quand ils trouvaient leurs justifications chez les mêmes philosophes. La fraternité révolutionnaire ne fut pas celle du citoyen du monde. elle fut celle de l’élan populaire d’une France voulant franciser l’universel mais qui ne savait et ne pouvait se penser comme ayant à s'universalisers elle-même. Vouloir la fraternité politique ne pouvait être l’œuvre d’une partie des hommes, et il en est toujours ainsi.

13 - La fraternité ne crée point de dépendance, elle est un lien qui ne ligote pas. L'exemple des Rroms, sans armée et sans État,doit être examiné. Ils n’ont rien à prouver, rien à démontrer, mais ils font partie du nombre des humains qui n’ont pas le choix de vivre autrement qu’en frères. La traversée des siècles sans disparition trouve peut-être là une de ses explications peu rationnelles ; pour survivre et perdurer, envers et contre tout, rien ne vaut la fraternité quels que soient les synonymes dont on l’entoure : solidarité, entraide, mutualité, coopération, communauté… La fraternité ne crée point de dépendance, elle est un lien qui ne ligote pas. Tous les Terriens deviennent peu à peu, solidaires sans le vouloir. Ils sont, de plus en plus conscients de leurs interdépendances. Reste à rendre possible la fraternité universelle, cette utopie des utopies, cet horizon nouveau dont on ne peut se passer alors qu’on ne le peut atteindre.
Décembre 2006
 Relu en juillet 2017




[1] Bastiaire Jean, Péguy tel qu’on l’ignore, Gallimard-Poche, Paris, 1996.
De nombreuses et utiles citations sont rassemblées et présentées aux lecteurs dans ce petit guide.
[2] Péguy Charles, De Jean Coste, 4 novembre 1902, édité chez Gallimard en 1937.
Texte cité par Jean Bestiaire, dans le chapitre Égalité bourgeoise et fraternité révolutionnaire, p.30.
[3] Péguy Charles, De Jean Coste, Ibid.,., chapitre Misère et pauvreté p.97-98
[4] Bastiaire Jean, Péguy tel qu’on l’ignore, Ibid.,., Chapitre Misère et pauvreté, p. 96.
[5] Locke John, Essai sur le pouvoir civil (1690), PUF, Paris, 1953, p.63.
« Il faut considérer l’état dans lequel tous les hommes se trouvent naturellement : c’est un état de parfaite liberté /…/ ; c’est aussi un état d’égalité
[6] De Jaucourt, Encyclopédie Diderot et d’Alembert, (1751-1780), article « égalité naturelle ».
« L’égalité est celle qui est entre tous les hommes par la constitution de leur nature. /…/ cette égalité est le principe et fondement de la liberté. »
[7] Borgetto Michel, La devise liberté, égalité, fraternité, PUF, Paris, collection « Que sais-je ? », 1997, n° 2744, ISBN 2130483550. L’apport de Jean-Jacques Rousseau, p.17.
[8] Rousseau Jean-Jacques, Discours sur l’économie politique (1755), réédité chez Vrin, Paris, 2002.
[9] Morin Edgar, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Le Seuil, Paris, p. 129.
Voir aussi : Terre-Patrie, Le Seuil, 1993, et collection « Points », n° P207 (1996).

mardi 21 février 2017

Courrier de Jean Luc Mélenchon à Benoît Hamon


Ce texte dit, à la fois, pourquoi un accord entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon était possible et impossible, à la date du 17 février 2017. Il faut le verser aux archives politiques de ce qui fut "la gauche". Aller "jusqu'au bout du changement" supposait des ruptures que Benoît Hamon ne pouvait faire sans cesser d'être le candidat du PS. Sorti en tête de la primaire organisée par son parti, il lui était impossible de rompre, fut-ce par honnêteté, avec les siens qui ne voulaient ni de lui ni de ses idées. L'échec aura été et restera celui du PS. 
Si Hamon le pense, il n'est pas en position pour le dire et Mélenchon, en le poussant dans ses retranchements, l'aura mis en difficulté non par volonté politique, mais parce que il n'a cessé de démontrer que le PS est mort, enfermé ou pas dans un "corbillard" qui, pour le malheur de la France, roule encore...
 Jean-Pierre Dacheux
***

Le 17 février 2017

Bonjour Benoît,
Lors de mon meeting à Strasbourg j’ai pris l’initiative de te proposer publiquement une rencontre. 
J’ai proposé la fin de la semaine prochaine compte tenu des rudes obligations de mon calendrier. Tu avais dit que tu me contacterais des ton investiture. Mais tu n’en as pas eu le temps.
Il en résultait un harcèlement de questions exclusivement sur ce thème de la part des médias et il devenait difficile de s’épargner le ridicule d’une situation qui semblait bloquée. Or, elle ne l’est pas de mon fait. J’ai rencontré avec grand plaisir Yannick Jadot à Strasbourg et je te verrai de même. Demain nous allons échanger une première fois, de vive voix.
Pour faciliter notre échange, je voudrais résumer ici ce que j’ai dit sur le sujet à Strasbourg et au cours de divers entretiens.
Ton investiture a exprimé un net désaveu de la politique du quinquennat. Non seulement du point de vue de ton programme mais aussi du fait de la rude sanction qu’a subi le premier ministre emblématique de cette période qu’est Manuel Valls. À présent tu proposes une convergence de nos forces dans les élections présidentielles et législatives. Je ne crois pas un instant qu’elles puissent s’ajouter sans que de très sérieuses garanties ait été données. Au contraire des accords d’appareils pourraient bien hélas démoraliser et désorganiser ce qui a été rassemblé de part et d’autres.
Voyons ce que nous pouvons faire d’utile. Nous sommes bien d’accord que la présidentielle et les législatives sont étroitement liées. Dans ces conditions parlons-nous avec sérieux, sincérité et loyauté à l’égard de notre peuple pour éclairer la décision et le choix qu’il va faire.
Tu as dit que tu ne faisais aucun préalable même de ta propre candidature. C’est une attitude positive. Mais tu as aussi déclaré qu’en toute hypothèse il y aura un bulletin de vote à ton nom le 23 avril prochain. Que devons-nous retenir ? Nous proposes-tu une candidature unique à l’élection présidentielle ?
En toute hypothèse il s’agit d’être prêt à convaincre à entrainer et à gouverner. Cela nécessite confiance et cohérence. Sans que cela soit attaché à ta personne ni à ton talent il est évident que dans les sondages ta candidature reste à un niveau extrêmement bas par rapport aux scores traditionnels du PS. C’est cela le bilan de ce quinquennat. Le PS dont tu es le candidat n’est plus en mesure de fédérer les français. Tout est à reconstruire dans notre pays. Veux-tu t’atteler à cette tache ? Un accord à l’ancienne ne le pourra jamais. D’autant que le quinquennat de François Hollande a montré quel usage un candidat du PS pouvait faire de ses engagements les plus solennels. Je te fais de bon cœur crédit de ta bonne foi. Mais nous ne pouvons avoir la naïveté de te croire sur parole alors même que tu es et reste le candidat d’un parti et d’élus majoritairement hostiles à l’orientation que tu défends. Il est donc légitime et honnête que nous te demandions des garanties politiques précises sur ton engagement à rompre avec le quinquennat et son bilan. Comment sans cela parler de quoi que ce soit avec confiance ?
La première garantie concerne le périmètre de la convergence. Nous ne voulons aucun accord ni à la présidentielle ni aux législatives avec Emmanuel Macron et son mouvement. Pour nous, ce que l’on connaît du programme d’Emmanuel Macron est purement et simplement la poursuite ou le durcissement de la politique mise en œuvre par François Hollande
La seconde garantie concerne ta propre volonté d’assumer la rupture avec la politique du quinquennat et donc l’engagement clair à en abolir les mesures emblématique c’est-à-dire essentiellement la loi El Khomri, le CICE et l’état d’urgence permanent. Cela se traduira par la mise à l’écart des prochaines élections notamment des ministres du gouvernement qui a imposé cette « loi-travail » à coup de 49/3.
Mais nous croyons qu’à la rupture doit s’ajouter une volonté positive d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de notre pays. Notre programme comporte 357 mesures. Nous le mettons à la disposition de la discussion. Mais nous croyons que l’essentiel de l’esprit qu’il incarne, en lien avec les enseignements de l’alter mondialisme est à la base du contrat à nouer avec notre peuple. Compte tenu de ce que nous t’avons entendu dire nous croyons qu’il t’est possible de t’avancer largement vers ces positions quitte à ce que ceux qui te combattront de toute façon dans ton parti prennent leur distance !
Garantie de tourner la page de la monarchie présidentielle avec la convocation d’une assemblée constituante dans les trois premiers mois de la nouvelle mandature.
Garantie d’ouvrir le chapitre d’un cycle vertueux du partage de la richesse. Je suppose que nous sommes d’accord sur l’augmentation du SMIG et des minima sociaux. Mais il faut ouvrir de nouveaux horizons de progrès social avec l’échelle des salaires et limitée de un à vingt et l’instauration de la sécurité sociale intégrale, et au minimum le retour aux 35 heures réelle comme à la retraite à 60 ans avec 40 annuités.
Garantie du changement de la matrice productive du pays avec la sortie du nucléaire et le passage au cent pour cent d’énergies renouvelables.
Garantie de récupération de l’autonomie économique de notre pays avec l’annonce du retrait de la signature de la France de l’accord CETA et organisation de la consultation du peuple sur cet accord. Arrêt immédiat de l’application des directives européennes mettant en cause les services publics de notre pays et passage au plan B en cas d’échec des discussions avec nos partenaires européens pour mettre fin à la politique des traités budgétaires et des semestres européens.
Garantie de l’indépendance de notre pays vis-à-vis de l’OTAN avec la sortie de cette alliance militaire et le retour à une politique pour la paix et de désarmement dans le monde.
En t’adressant ces lignes j’ai le sentiment de répondre à une exigence de sérieux et de sincérité dans les relations politiques. Comme la majorité de notre peuple je n’ai plus aucune confiance dans les accords d’appareils entre partis politiques. Le mouvement « la France insoumise » s’est constitué sur un programme et une candidature qui le porte. Rien d’autre. Cela nous suffit amplement pour vouloir en convaincre le grand nombre. Mais s’il existe une possibilité que la trame essentielle de ce qui nous a regroupés puisse aussi fédérer des partis politiques de la gauche traditionnelle, je suis prêt à consulter les 250 000 personnes qui se sont personnellement engagées à mes côtés sur la proposition qui leur serait faite.
Mais je veux dire directement et franchement que je ne saurai composer avec les engagements que j’ai pris, ni faire confiance à la parole du candidat du PS sans garantie ferme et solide de sa part.
Avec l’espoir de t’en convaincre,
Bien amicalement 
Jean Luc Mélenchon
Source : AFP

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